UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Action internationale


L’unification des deux Allemagnes a prévalu sur une confédération


Depuis 1974, Peter Seideneck a assumé plusieurs responsabilités au sein du DGB, la centrale syndicale allemande. Il est entré à la Confédération européenne des syndicats (CES) en 1993, comme conseiller d'Emilio Gabaglio, le secrétaire général de l'époque. Sa tâche principale sera de préparer l'élargissement de la Confédération européenne des syndicats (CES) aux nouveaux syndicats de l'Europe de l'Est.

Que faisais-tu en ce jour historique du 9 novembre 1989 ?

Peter Seideneck. J’étais à la maison, totalement pris par surprise, stupéfait et heureux. J’ai d’abord appelé ma femme qui était en France. Et j’ai navigué entre le téléphone et la télévision toute la nuit.

Quelles ont été tes premières réactions à l’annonce de cet évènement ?

C’était le début de la fin de la dictature d’un système paranoïaque et bureaucratique et la perspective d’une révolution démocratique dans mon pays. J’ai eu à cette époque de bons contacts avec un groupe d’opposants expatriés par le régime en 1987. Avec eux, j’ai eu l’espoir que le processus de réforme démocratique à l’Est de l’Allemagne, mené par la société civile, pourrait transformer profondément le système et rapprocher la République démocratique allemande (RDA) et la République fédérale d’Allemagne (RFA), avec comme perspective une confédération de deux états allemands et un changement radical de la situation en Europe.

Comment as-tu analysé ces conséquences géopolitiques au plan européen ?

Je n’ai jamais été un partisan de la « petite Europe ». L’unification de l’Europe, avec deux États allemands, c’était mon espoir avec, à l’horizon, la fusion entre eux, négociée entre partenaires égaux. Mais la dynamique populaire était telle que l’unification fut quasi immédiate.
Le transfert de la constitution de la RFA appliquée en Allemagne de l’Est avec, comme effet pervers, la marginalisation du mouvement civil qui avait fortement contribué à la chute du régime était incontournable. Le chancelier Kohl avait préparé le projet permettant d’aller vers une « Confédération ». Il a finalement eu l’instinct d’agir pour l’unification, avec l’accord de Gorbatchev, le soutien de Jacques Delors et une hésitation de la part de François Mitterrand mais contre la volonté de Margaret Thatcher qui avait la crainte injustifiée d’une renaissance du nationalisme allemand.

Quelles dispositions syndicales ont été prises par la Confédération européenne des syndicats ?

La CES a établi début 1990 une plateforme « Forum Syndical » invitant les syndicats nouveaux des pays d’Europe de l’Est à se réformer. Au congrès de la CES à Luxembourg, en 1991, les statuts ont été modifiés pour introduire le statut d’observateur permettant aux syndicats de l’Europe de l’Est de se joindre à la CES qui a opté pour une politique d’intégration.
L’unification syndicale se fabrique de la même façon que l’unification avec l’Allemagne de l’Est. Cette approche sera finalement sans alternative.

Vingt ans après, quel bilan tires-tu de cet évènement qui a secoué l’Europe ?

Les Européens se sont réunis pour la seconde fois de leur histoire autour d’un projet commun, basé sur la démocratie, les droits de l’homme, l’État de droit et dans la paix. Avec un bémol important : la désintégration de la Yougoslavie accompagnée de guerres fratricides. Dans ce contexte, l’Europe n’a pas été à la hauteur, en commençant par la reconnaissance, prématurée à l’époque, de l’indépendance de la Croatie. La réforme du traité était prévue comme un préalable à l’élargissement, il aura fallu attendre 17 ans, depuis le traité de Maastricht, pour mettre la maison Europe en ordre de marche avec la ratification du traité de Lisbonne
Reste un sérieux point d’inquiétude : la transformation en Bulgarie et en Roumanie est largement hypothéquée par la prise des pouvoirs économiques et politiques par des anciens de la nomenklatura. La corruption y est répandue. Des privatisations frauduleuses et une justice sous influence politique sont des signes alarmants.

Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon